Produit dangereux ! une com discrète
Intoxication, risque incendie, contamination… des millions de biens de consommation, à risque, sont inventoriés sur trois « discrets » portails web. La communication est subordonnée aux préfets, aux médias et associations...
La vedette de ce nouvel an 2023 est l’huître. Contaminée par le norovirus, un agent infectieux qui cause une gastro-entérite, elle a suscité, par son ampleur et son désagrément, une vaste campagne d’information divulguée par de nombreux médias. Mais quid des 7 400 marques répertoriées sur le site gouvernemental Rappel Conso qui font l’objet d’une campagne de rappel ? Si le nombre de produits distribués et vendus, parfois dangereux mais tous à risques, dépasse allègrement le million d’exemplaires, comment le consommateur en est-il informé ?
Malgré la multiplication des canaux de communication, l’État et l’Union européenne n’imposent pas aux fabricants, constructeurs ou distributeurs de prévenir directement le consommateur, même s’agissant de sa sécurité. Le Code de la consommation (article L218-4) impose, en France depuis le 1er avril 2021, aux fabricants et distributeurs qui retirent (produit non vendu) ou rappellent (produit vendu) un bien de consommation d’informer le consommateur. Le préfet, lui aussi, peut « lorsque les produits présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs » alerter l’opinion et en interdire la vente. Ce qu’ont fait les préfets du Morbihan et de l’Hérault pour l’huître indigeste…
Les constructeurs automobiles, un modèle de communication discrète
Vous pensez être informé d’une campagne de rappel ? Faites un petit clic sur l’un de ces deux portails web : Rappel Conso ou Safety Gate. Il y a de fortes probabilités que votre voiture, votre saumon fumé ou le jouet que vous venez d’acquérir soient dans la liste.
Sachez, par exemple, que les voitures font régulièrement l’objet de campagnes de rappel, souvent en toute discrétion, L’argus dénombrait 180 modèles en 2021. Cette « publicité » – divulguée au gré de la dangerosité du vice par le constructeur et son concessionnaire – est à peine abordée lors d’une révision et sans aucune précision. Pire, si la révision ou l’entretien du véhicule sont réalisés chez un garagiste indépendant de la marque, celui-ci n’est pas informé par le constructeur. Le risque ? La majorité des rappels signalés sur Rappel Conso sont l’incendie et les blessures et – pour le consommateur qui ne signale pas le problème sous deux ans – de ne plus être couvert par la garantie constructeur ou la garantie légale de conformité.
Un second média peut vous aider à vérifier si un produit acheté dans l’Union européenne est défectueux ou dangereux. Le site web Safety Gate, en anglais uniquement, inventorie tous les biens de consommation à l’exception des produits alimentaires, pharmaceutiques et appareils médicaux. Les données proviennent de surcroît de chaque pays membre.
Un troisième média inventorie les produits défectueux au niveau mondial. Le Global portal on product recalls, édité par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estimait, dès 2018, qu’aux États-Unis « les décès et les blessures imputables à des produits défectueux coûtent chaque année plus de 1 000 milliards de dollars ».
Le cynisme économique face à la santé du consommateur
Cette évaluation purement économique de Richard O’Brien, directeur du Bureau des programmes internationaux, paraît bien cynique. N’en est-il pas de même en France ? Que nenni !
L’État ne badine pas avec la sécurité des Français. C’est bien pourquoi il a diminué, en 10 ans, un quart de l’effectif (de 3 723 à 2 812) de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dont le rôle est de veiller « à assurer la qualité que les consommateurs sont en droit d’attendre d’un produit » précise le site web du ministère de l’Économie.
Mieux vaut faire que dire. Si l’État appliquait l’adage d’Alfred de Musset et imposait, tant à lui-même qu’aux entreprises, une communication directe auprès du consommateur, le ministère de la Santé et de la prévention mériterait bien ce concept de « prévention » apposé en 2022 par le gouvernement d’Élisabeth Borne au susdit ministère.
Franchement ! Qui ne serait pas ravi, réceptionnant son PV1 pour excès de vitesse ou sa prime d’assurance auto, de trouver un petit message précisant : votre véhicule présente des risques, une campagne de rappel vous permet, gratuitement, de le réparer. Allez chez votre garagiste !
1 Tout véhicule est enregistré au fichier national Système d’immatriculation des véhicules (SIV) placé sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur. Il contient : l’identitié du titulaire du certificat d’immatriculation qui comprend : le nom, prénom, date et lieu de naissance et adresse. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précise la liste des professionnels autorisés à transmettre des données au SIV : « vendeurs de véhicules, huissiers de justice, experts, assureurs, démolisseurs/broyeurs, sociétés de crédit. »